paradis fiscaux mis à contribution

Budget: les établissements installés dans les paradis fiscaux mis à contribution

16 juillet 2012 à 17:50

       
   
 (Photo AFP)
  
       
 
    
  
Les entreprise françaises possédant des filiales dans les pays à faible fiscalité devront désormais prouver la réalité de leurs activités.
         
 Par DOMINIQUE ALBERTINI
  

L’engagement pris par François Hollande de «mener une lutte sans merci contre les paradis fiscaux» trouve un début de réalisation dans le collectif budgétaire <http://www.liberation.fr/economie/2012/07/04/projet-de-budget-le-gouvernement-espere-recuperer-72-milliards-en-2012_831071>  examiné par l’Assemblée, à partir de ce lundi. Cinq mesures du document limitent les possibilités d'«optimisation fiscale» à l'étranger pour les entreprises, et devraient rapporter environ un milliard d’euros par an à l’Etat.

Parmi elles, la non-déductibilité par rapport à l'impôt sur les sociétés de diverses opérations financières entre société-mère et filiales dans les paradis fiscaux. Mais la mesure la plus significative est un «renversement de la charge de la preuve» en matière d'évasion fiscale, qui facilitera la tâche des services du Budget. 
 Boîtes à lettre
Pour ces derniers, le système actuel s’avère complexe. Si une entreprise française contrôle une filiale dans un paradis fiscal, cette dernière peut voir ses bénéfices imposés en France, lorsqu’un certain pourcentage de ceux-ci proviennent d’opérations financières ou de service internes au groupe. Dans la grande majorité des cas, c’est à l’administration fiscale de le prouver, aux prix d'enquêtes longues et excessivement techniques. 

Dorénavant, il appartiendra à chaque entreprise de démontrer que ses filiales installées dans des paradis fiscaux y exercent une activité réelle – en clair, qu’elles ne sont pas de simples «boîtes à lettres» permettant de réduire le bénéfice imposable en France via diverses opérations entre la filiale et la société-mère.
 «Un grand impact»
«Le système précédent impliquait des obstables impossibles à surmonter, commente-t-on à Bercy. On ne va pas envoyer un inspecteur des impôts dans 17 pays pour examiner leurs niveaux de fiscalité, l’activité de l’entreprise, les impôts qu’elle verse... Désormais, le rendement sera presque automatique». Le gain en efficacité se mesure à l’aune du différentiel de recettes, avant et après la réforme : 35 millions d’euros en 2011, contre 200 attendus en 2013.

«C’est une mesure qui aura un grand impact, estime Pascal de Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales. Elle devrait faciliter grandement la tâche de l’administration fiscale. L’inconvénient, c’est qu’elle crée de très nombreuses obligations déclaratives, et donc des coûts, même pour des entreprises qui n’ont rien à se reprocher».

Sollicités à ce sujet, la Fédération bancaire française et plusieurs établissements n’ont pas réagi. «Cela ne soulèvera pas de difficultés : nous avons déjà une procédure interne nous permettant de justifier des activités de nos filialère à l'étranger», indique-t-on dans une grande banque française.
Un panel élargi
L’autre nouveauté de la réforme est son périmètre. Jusqu'à présent, l’inversion de la charge de la preuve ne concernait que les filiales présentes dans les Etats listés comme «non coopératifs» par la France. Or, cette liste fond comme peau de chagrin, la signature de conventions d'échange d’informations -y compris... entre paradis fiscaux- suffisant pour en sortir. Seuls huit pays y figurent désormais, soit onze de moins qu’en 2011.

La mesure examinée par l’Assemblée concerne, elle, tous les pays «à fiscalité privilégiée» (hors Union européenne), c’est-à-dire dont le niveau d’imposition est au moins inférieur de moitié à celui de la France. «Son intérêt est donc d’aller au-delà de l’absurde liste des «Etats non coopératifs, qui ne sert à rien, estime Mathilde Dupré, Chargée de plaidoyer sur les paradis fiscaux pour l’ONG CCFD-Terre Solidaire. On dénombre près de 60 territoires opaques, qui favorisent le contournement de l’impôt, et où l’on constate une intrigante concentration de filiales européennes.»
Pas de solution miracle
La réforme, visant avant tout à trouver de nouvelles recettes pour l’Etat, n’est pas la solution miracle à l'évasion fiscale. Elle ne peut pas concerner les Etats membres de l’Union européenne, même si certains, comme le Luxembourg ou l’Irlande, rentrent sans contestation dans la catégorie des pays «à fiscalité privilégiée».

Une autre promesse de François Hollande, interdire aux banques françaises de contrôler des filiales dans les paradis fiscaux, ne pourrait se concrétiser sérieusement sur la base de la seule liste française et ses huit Etats non-coopératifs. 

«On ne nous a pas encore donné de calendrier pour la mise en oeuvre des promesse relatives aux paradis fiscaux, remarque Mathilde Dupré.  La mesure qui serait un vrai pas de géant en la matière, ce serait de demander aux entreprises des comptes consolidés pays par pays, avec le nombre d’employés, les bénéfices, les impôts versés... Voilà qui permettrait enfin de savoir à quoi s’en tenir!»



http://www.liberation.fr/economie/2012/07/16/budgetles-etablissements-installes-dans-les-paradis-fiscaux-mis-a-contribution_833651
 



20/07/2012

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