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OGM : le Conseil d'Etat dénie aux maires toute compétence pour édicter une réglementation locale
Dans une décision qui va faire jurisprudence, le Conseil d'Etat précise que le maire ne peut en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de la police spéciale de la dissémination volontaire d'OGM qui relève de l'Etat.
Juridique | 26 septembre 2012 | Actu-Environnement.com
Le Conseil d'Etat a rendu le 24 septembre une décision très importante dans le sens où il avait à se prononcer sur la légalité d'un arrêté municipal interdisant la culture de plantes génétiquement modifiés sur certaines parties de son territoire.
Par un arrêté du 23 août 2008, le maire de Valence, se fondant notamment sur le principe de précaution, avait interdit pour une durée de trois ans la culture de PGM en plein champ dans certaines zones du plan d'occupation des sols (POS) de la commune. Le préfet de la Drôme a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Grenoble qui en a prononcé l'annulation. Après que la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement, la commune de Valence s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
Police spéciale de la dissémination volontaire d'OGM confiée à l'Etat
La Haute juridiction administrative, s'appuyant sur les dispositions applicables du code de l'environnement et du décret du 18 octobre 1993, considère que "le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d'OGM, confiée à l'Etat, dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, de prévenir les atteintes à l'environnement et à la santé publique pouvant résulter de l'introduction intentionnelle de tels organismes dans l'environnement".
Les autorités nationales en charge de cette police ont pour mission "d'apprécier, au cas par cas, éclairés par l'avis scientifique [du Haut conseil des biotechnologies (HCB)] et après avoir procédé à une analyse approfondie qui doit prendre en compte les spécificités locales, y compris la présence d'exploitations d'agriculture biologique, s'il y a lieu d'autoriser la dissémination d'OGM par leur culture en plein champ".
Suivant le même raisonnement que celui retenu en matière d'antennes relais, le Conseil d'Etat en déduit que s'il appartient bien au maire de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en revanche "en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale".
Le principe de précaution ne peut être invoqué par le maire
Dans la droite ligne de ses décisions précédentes encadrant le principe de précaution, la plus haute juridiction administrative rappelle que "le principe de précaution, s'il s'impose à toute autorité publique dans ses domaines d'attribution, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence".
Ainsi, l'article 5 de la Charte de l'environnement, fondateur de ce principe, ne peut être interprété comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de PGM en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d'une telle culture. Le Conseil d'Etat en déduit qu'il appartient en la matière aux seules autorités nationales, soit en l'occurrence le ministre de l'Agriculture, de veiller au respect du principe de précaution.
L'enjeu immédiat de la décision est pour l'instant limité dans la mesure où la France a interdit la culture du maïs MON 810 sur son territoire en réactivant la "clause de sauvegarde" prévue par la directive 2001/18. Mais la Commission est juridiquement en mesure de demander à Paris de suspendre cette interdiction suite à l'avis négatif rendu par l'Efsa en mai dernier. Si une telle hypothèse se réalise, les maires se voient désormais dépourvus de toute compétence pour édicter une interdiction locale…