occupy wall street
Le mouvement Occupy Wall Street (OWS) à New York
Cela fait plusieurs mois que l’Assemblée générale d’OWS ne s’est plus réunie. Il y a eu des difficultés, liées notamment aux discussions sur l’utilisation des dons qui étaient très importants. Cela a pris beaucoup de temps de discuter de l’utilisation de tout cet argent, et cela a paradoxalement plombé les assemblées générales.
Toutefois, l’Assemblée a essaimé entre 15 et 20 groupes de travail qui restent aujourd’hui très actifs, parmi eux : Strike Debt (http://strikedebt.org/), Occupy University, Occupy Sandy (Ouragan – enjeux écologiques), Groupe de liaison avec les syndicats, Groupe sur l’économie alternative (publications)…
La situation de l’endettement aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, 27% des étudiants endettés ne payent pas leurs dettes, parce qu’ils n’y arrivent pas, mais sans le revendiquer. Il y a des mesures de rétorsion, par exemple, le prélèvement des sommes dues directement sur les retraites des parents, notamment quand ils sont garants. Même si les parents ne sont pas garants, les banques iront les chercher, les harceler au téléphone… Les banques peuvent aussi revendre les dettes à des institutions qui sont spécialisées pour harceler les endettées et leurs garants ou parents, les appeler chaque jour, tôt le matin tôt, tard le soir…
Il y a d’autres dettes que la dette étudiante, en particulier les dettes de santé et les dettes de logement. Aujourd’hui aux Etats-Unis, 62% des personnes qui sont en situation de banqueroute le sont pour des raisons de santé. Quant à la crise du logement, elle a déjà fait perdre leur logement à 5 millions de personnes, tandis que 5 millions d’autres personnes sont en train de le perdre (procédures de saisies en cours).
Les actions du mouvement sur la dette et la création de Strike Debt.
En octobre 2011, Occupy Wall Street a lancé une campagne sur la dette étudiante : « occupy student debt campaign ». Le groupe a proposé une « pétition promesse », les signataires s’engageant à ne plus payer leurs dettes (grève de la dette) dès lors qu’ils auront atteint le seuil de 1 millions de signatures. Finalement, ce sont seulement 3000 signatures qui ont été obtenues. Selon l’activiste de Strike Debt, la raison principale de cet échec est simplement la peur des personnes à devoir faire face à des mesures de rétorsion (saisies, blocages des cartes de crédit etc.).
Suite à cela, le groupe Strike Debt a été créé en mai 2012.
Il y a eu une assemblée en juin 2012 pour décider quelles actions poursuivre. Des assemblées « dette » ont été mises en place avec comme objectif une entraide mutuelle entre endettés.
Une brochure sur la dette (« manuel de résistance ») a été réalisée : http://strikedebt.org/The-Debt-Resistors-Operations-Manual.pdf. Les auteurs de cette brochure ne sont pas des économistes pour la plupart. Elle contient des conseils pratiques pour résister à la dette, et elle recueille aussi des données précises sur la situation de l’endettement aux Etats-Unis (à partir notamment des dossiers mensuels de la FED) ainsi que des analyses plus théoriques.
Strike Debt a mis en place enfin une action dite « Jubilé Roulant » (« Rolling Jubilee ») : http://rollingjubilee.org/. Cette action fait référence au Jubilé biblique qui prévoit l’annulation de toutes les dettes tous les 25 ans. Elle consiste à racheter les dettes sur le marché secondaire (où elles sont vendues à 5% de leur valeur) pour les annuler. Pour financer le fond de rachat, il y a eu un concert de soutien et un appel à dons. Alors que 50 000$ étaient attendus, ce sont 500 000$ qui ont pu être recueillis et qui ont permis à ce jour d’annuler 10 millions$ de dette. C’est une sorte d’action directe qui détourne le marché de sa finalité.
Le groupe a choisi d’annuler en priorité les dettes médicales, car elles sont particulièrement insupportables : c’est une double peine d’avoir un cancer et d’être endetté… De plus, ce ne sont pas ces dettes qui sont les plus élevées.
Depuis la création de Strike Debt à New York, beaucoup d’autre groupes strike debt se sont créés aux Etats-Unis, y compris dans de petites villes. Les médias étaient au début hostiles, et sont finalement favorables vu le succès des actions. Un groupe strike debt s’est aussi créé à Londres.
Cette action, est une étape pour constituer un mouvement populaire d’opposition à la dette. Il est important de gagner quelque chose de précis pour redonner confiance aux personnes. Un slogan phare du mouvement est « you are not a loan » (tu n’es pas un prêt / une marchandise) qui est phonétiquement similaire à « you are not alone » (tu n’es pas seul).
Afin d’assurer le succès des assemblées dans la perspective d’un mouvement vraiment populaire, des efforts sont faits pour s’adapter aux besoins des personnes qui travaillent : mises en place de crèche, réunions plus courtes…
La question démocratique et le système politique.
Il n’y a pas de groupe à New York travaillant sur un projet de constituante. L’activiste explique : « on change le système en se changeant nous même ». Pour autant, cela ne veut pas dire que les activistes ne désirent pas un changement du système politique. Le contexte est celui d’un pays très grand, d’une élite corrompue… La question démocratique se traduit d'abord par la pratique interne au mouvement. C’est un début.
Le mouvement a commencé par l’entraide mutuelle, et maintenant commence à se tourner vers les autres pour leur proposer une aide. Un petit espace politique a été ouvert, et peut s’élargir, le premier pas est toujours le plus difficile.
Les relations avec les syndicats.
Les relations avec les organisations ne sont pas simples. Les syndicats sont souvent très hiérarchiques. Le taux de syndicalisation est faible (11%), les syndicats ont été très affaiblis par les années Reagan. Les syndicats sont plutôt implantés dans les services publics.
La manifestation du MayDay (1er mai) a été l’occasion de tisser des liens avec les organisations.
Pendant 50 ans il n’y avait plus eu de manifestation aux Etats-Unis le 1er mai, jusqu’en 2006 où les manifestations du 1er mai ont repris, à l’initiative de communautés hispanophones, en lien avec le réseau international MayDay, qui lançaient dans plusieurs pays des manifestations du 1er mai parallèlement aux traditionnelles manifestations syndicales. Le 1er mai 2012, il y a eu une réunification aux Etats-Unis des initiatives MayDay et des syndicats, et une seule manifestation à laquelle a appelé Occupy Wall Street. Ce jour là, il y a eu aussi une université libre, des piquets de grève, et le soir, une assemblée. Cette assemblée n’ayant pas été autorisée par les autorités, elle a choisi de se disperser quand la police a menacé d’arrêter les manifestants.
Il y a un groupe issu d’Occupy Wall Street qui est en lien avec les syndicats.
Le mouvement face à la répression policière.
La répression des mouvements sociaux s’est d’une manière générale aggravée à New York à partir de 2001. La police est très violente.
Quand le mouvement Occupy Wall Street a démarré, il a subi une très forte répression qui a en fait augmenté le niveau de mobilisation. Plus il y avait de violence, plus il y avait de personnes qui rejoignait le mouvement. La police s’est alors adaptée et a privilégié une violence plus discrète, mais toujours aussi forte, quand il n’y avait pas les médias.
Le mouvement Occupy Wall Street a développé des stratégies pour faire face à la répression. Par exemple, le 17 septembre 2012, pour l’anniversaire du mouvement, il n’y a pas eu une grande manifestation, mais des petits groupes, moins contrôlables, qui ont pris pour cibles de manifestation des banques, des compagnies d’assurance…
Le 13 octobre 2012, un rassemblement a été organisé devant la maison du dirigeant de Goldman Sachs. Le lieu de l’action avait été gardé secret, seules quelques personnes savaient et ont guidé les autres. Cela a permis d’éviter la répression policière et de pouvoir parvenir au lieu : ce succès a permis de rendre confiance aux personnes.
Il y a une culture de sécurité qui se forge : par exemple, ne pas parler quand il y a des policiers à proximité.
Il faut néanmoins toujours faire face à une répression qui se durcit et s’adapte elle aussi aux stratégies du mouvement. Par exemple, des personnes ont été arrêtées pour le simple fait de venir fermer leurs comptes bancaires.
Concernant la crise du logement, il y a des personnes qui s’organisent pour empêcher les huissiers d’accéder aux habitations. D’autres actions consistent à perturber la procédure de revente des maisons, par simplement en chantant quand les commerciaux présentent les maisons à des clients : des personnes ont été arrêtées pour ce type d’action, simplement parce qu’elles ont chanté…
L’extrême droite aux Etats-Unis.
L’extrême droite est organisée essentiellement avec les « Tea Parties. » Il y a plus largement le problème du racisme notamment au Sud des Etats-Unis.
L’extrême droite semble en perte de vitesse, notamment grâce à Occupy Wall Street selon l’activiste de strike debt. En effet, beaucoup de personnes qui jusque là pouvaient être séduites par l’extrême droite « contestataire » écoutent maintenant le discours égalitaire d’Occupy.
Le président Obama ayant été attaqué sur sa couleur de peau, Occupy Wall Street préfère dire que la crise n’est pas la faute du président mais de Wall Street. En même temps, l’échec d’Obama renvoie aux limites de ces institutions et ouvre un espace pour une politique non traditionnelle, hors parti.