négociations bio-diversité
Négociations biodiversité à Hyderabad
Ne pas laisser la biodiversité aux mains de la finance !
Mercredi 17 octobre les chefs d'Etats, de gouvernement et ministres concernés rejoindront la 11ème Conférence des Parties de la convention de l'ONU sur la biodiversité à Hyderabad (Inde) et Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, présidera la délégation française. Deux ans après l'adoption du Protocole de Nagoya, l'érosion de la biodiversité n'est pas prête d'être stoppée ni même ralentie, malgré les engagements annoncés lors de cette dernière Conférence, saluée trop vite comme un succès du multilatéralisme onusien. Depuis, seuls six pays ont ratifié le Protocole. Et cette ratification n'est toujours pas à l'agenda de l'Union européenne.
A Hyderabad, la question des financements de la protection de la biodiversité, dont il a été convenu « une augmentation substantielle », est à nouveau sur la table. Mais ni les montants, ni la provenance, ni les modalités pour recueilir ces fonds destinés à protéger la biodiversité dans les pays les plus pauvres - qui sont bien souvent parmi les plus riches dans ce domaine– n'ont été fixés. Comme pour le climat, les pays donateurs réduisent leurs financements. La dette publique renforce le refus d'assumer la dette écologique contractée par les pays les plus riches ; et les politiques d'austérité, non seulement provoquent des drames sociaux et minent la démocratie, mais sont un frein à la transition écologique.
Selon les documents préparatoires à la Conférence d'Hyderabad, la protection de la biodiversité nécessiterait des « instruments financiers innovants ». A l'image des marchés carbone pour le climat, qui ont pourtant fait preuve de leur échec, il s'agirait de généraliser les banques et marchés de la compensation et les paiements pour services écosystémiques. La biodiversité est ainsi livrée à la finance privée au mépris de la complexité, de l'unicité et de l'incommensurabilité des écosystèmes, au détriment des droits des populations locales et au au seul profit de quelques entreprises qui pourront continuer à polluer, détruire et spolier la biodiversité.
Lors de la séance d’ouverture l'ouverture de la Conférence, la ministre indienne de l'Environnement, Jayanthi Natarajan, a ainsi encouragé « à investir davantage en vue d'une amélioration du capital naturel ». L'Union européenne est l'un des plus fervents promoteurs de cet agenda. Le commissaire européen en charge de l'environnement a ainsi proposé de généraliser la « comptabilité du capital naturel » et de travailler avec la Banque européenne d'investissement (BEI) pour créer des instruments financiers facilitant l'investissement privé dans la biodiversité. Ainsi réduite à un « capital naturel », la biodiversité serait abandonnée aux décisions des marchés et investisseurs financiers, pour qui la crise de la biodiversité est une opportunité et un nouveau terrain de jeu.
À ces logiques-là dont l’inefficacité écologique et la dangerosité sont déjà attestées, notamment par les dérives de la finance carbone, nous opposons la nécessité d'assurer un financement public mondial, alimenté notamment par des taxes globales. La préservation de la biodiversité ne pourra être effective que par la réduction drastique de l’empreinte écologique des pays et populations les plus riches de la planète, par des mesures réglementaires empêchant la biopiraterie amplifiée par la libéralisation des brevets sur le vivant et la spoliation des savoirs traditionnels. Attac France, en lien avec des réseaux européens, s’oppose aux mécanismes de financiarisation de la nature : les risques de réduction de la biodiversité ne tiennent pas à la gratuité des services écosystémiques, mais au refus d’engager une véritable transition écologique.
Attac France, le 16 octobre 2012
Pour une analyse plus détaillée des logiques concourant à la financiarisation de la nature et l'introduction de la nature dans le cycle du capital, voir Attac France, La nature n'a pas de prix, les méprises de l'économie verte, éd. LLL, 2012.