Goldman Sachs et e Danemark
Six ministres ont démissionné du gouvernement danois, jeudi, à la suite de la finalisation d’un accord qui prévoit de céder à Goldman Sachs 19 % des parts de Dong, une entreprise nationale au rôle stratégique dans ce pays scandinave.
Le gouvernement danois vacille et une partie de la population en rend la banque d’investissement américaine Goldman Sachs responsable. Six ministres du Parti populaire socialiste ont démissionné jeudi 30 janvier du gouvernement de coalition de Helle Thorning-Schmidt. L’exécutif ne vole pas encore en éclat pour autant car le Parti populaire socialiste a précisé que malgré ces démissions son groupe parlementaire continuerait à soutenir le gouvernement.
La cause de cette hécatombe politique : les ministres démissionnaires voulaient protester contre la vente à Goldman Sachs d’une partie de la société publique Dong pour huit milliards de couronnes danoises (un milliard d’euros). Cette entreprise, détenue jusqu’à présent à 80% par l’État, est considérée comme le fleuron national de l’économie verte. Elle gère depuis 1972 l’intégralité des ressources gazières de la partie danoise de la mer du Nord.
Cette entreprise, dont Goldman Sachs a acquis 19 %, est donc stratégique pour ce petit pays scandinave. Pour Poul Nyrup Rasmussen, l’ancien Premier ministre danois, cette arrivée du géant américain de la finance dans le capital de Dong est tout simplement une “catastrophe” qui “[le] blesse presque physiquement”. Il a qualifié la banque américaine de “partenaire louche” qui risquait de faire “perdre au Danemark sa position de leader mondial dans le green business”.
Luxembourg et Îles Caïmans
La population aussi a essayé de se mobiliser contre ce partenariat avec Goldman Sachs. Une pétition en ligne a ainsi recueilli plus de 200 000 signatures, ce qui représente près de 5% de la population danoise. “Tout le monde a été surpris par l’ampleur prise par cette affaire. Nous comprenons que pratiquement tout le monde déteste Goldman Sachs, mais on peut difficilement faire des affaires en disant : ‘Vous avez fait la meilleure offre, mais vous ne pouvez pas gagner’”, a expliqué un officiel danois sous couvert d’anonymat au quotidien britannique “Financial Times”.
Il faut dire que le montage mis en place par Goldman Sachs pour racheter les parts de Dong n’a pas calmé les esprits. La banque a, en effet, acquis 19 % de l’entreprise danoise grâce à un fonds créé à cet effet au Luxembourg et détenu par des actionnaires domiciliés aux Îles Caïmans et dans le Delaware (États-Unis). Cette multiplication des paradis fiscaux a provoqué l’ire des Danois qui se demandent quelles sont les réelles intentions de Goldman Sachs dans cette affaire. La banque a eu beau affirmer qu’elle considérait son investissement comme un engagement à long terme, l’argument n’a pas rassuré les Danois hostiles à cette transaction.
D’autant plus que l’accord trouvé avec le gouvernement danois procure à Goldman Sachs un droit de veto. Dong devra donc obtenir l’aval de son nouveau partenaire américain pour changer de PDG, faire des acquisitions importantes ou vendre des actions. Là encore, les opposants à cette transaction craignent que les intérêts du Danemark seront, du coup, moins bien défendus.
Première publication : 31/01/2014