étude ADEME
Sur site la CEN – source « Le Monde » sept 2015
L’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) remet en cause l’intérêt du nucléaire pour la production d’électricité. L’établissement public placé sous la tutelle des ministères de l’écologie et de la recherche publie une étude qui conclut que la France pourrait produire la totalité de ses besoins en électricité renouvelable d’ici 2050, sans nucléaire et pour le même coût.
La présentation de cette étude avait été déprogrammée d’un colloque organisé les 14 et 15 avril à Paris, l’Ademe expliquant qu’il « n’était pas finalisé » et qu’il serait rendu public dans les prochains mois. Gênant pour le gouvernement, au moment où apparaît la loi de transition énergétique qui prévoit le maintien d’un socle de 50 % de nucléaire. Ce rapport a finalement été publié dans son intégralité par le site Mediapart.
Un rapport gênant pour le gouvernement
Intitulée « Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 », l’étude de 120 pages a été établie avec la contribution de la Direction générale de l’énergie et du climat (qui dépend du ministère de l’écologie) et, précise le préambule, « dans un objectif de robustesse et de solidité scientifique, les hypothèses, méthodologies et résultats ont été confrontés à un comité scientifique constitué d’experts nationaux et internationaux ».
On pourrait produire ainsi jusque trois fois nos besoins
Première conclusion majeure : le potentiel de production des énergies renouvelables dans l’Hexagone s’élève à 1 268 térawattheures (TWh) par an, toutes filières vertes confondues (éolien, solaire, biomasse, géothermie, hydraulique, énergies marines), soit trois fois la demande annuelle d’électricité prévue au milieu du siècle (422 TWh). Cela, en tenant compte d’une nécessaire « maîtrise de la demande », qui doit permettre une baisse de 14 % des besoins à la même échéance, en dépit d’une population accrue de six millions d’habitants.
Pour parvenir à un mix électrique 100 % renouvelable, tous les moyens sont bons. Le bouquet composé par l’étude se répartit ainsi :
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éolien terre et mer 63%
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solaire 17 %
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hydraulique : 13%
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thermique renouvelable 7% (géothermie comprise)
Au niveau territorial, les régions à plus fort potentiel sont l’Aquitaine, la Bretagne, Midi-Pyrénées, les Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Rhône-Alpes.le MHh vert à 119 euros contre 117 avec 50% de nucléaire
Seconde grande conclusion : un scénario 100 % renouvelable serait à peine plus coûteux qu’un scénario combinant 50 % de nucléaire et 40 % de renouvelable, inscrit dans la loi de transition énergétique. Certes, le tout-vert exige de construire des installations éoliennes et photovoltaïques à tour de bras pour amener la capacité installée à 196 gigawatts, soit une augmentation de plus de 55 % par rapport au parc actuel.
Au final, le coût du mégawattheure (MWh) serait de de 119 euros, soit 30 % de plus que les 91 €/MWh actuels ; mais à peine plus que les 117 €/MWh du mix fait à 50 % de nucléaire et 40 % de renouvelables (le reste provenant essentiellement du gaz).
Car maintenir un parc nucléaire important serait également très coûteux. Il faudrait investir très lourdement dans la construction de nouveaux réacteurs. Entre 2019 et 2025, près de la moitié des 58 réacteurs français actuels auront atteint la limite de quarante ans de fonctionnement pour laquelle ils ont été conçus et, à supposer même que l’Autorité de sûreté nucléaire autorise une prolongation – ce qui n’est nullement acquis –, ils devront être à terme être remplacés par des modèles du type EPR, dont le coût des prototypes ne cesse d’augmenter. Le démantèlement augmenterait encore l’addition.
Les renouvelables sont aujourd’hui plus chères que le nucléaire, mais leur coût ne cesse de baisser, observe Damien Siess, directeur adjoint à la production et aux énergies durables de l’Ademe. C’est l’inverse pour le nucléaire, qui est aujourd’hui peu cher mais dont le coût est à la hausse, en raison notamment des normes de sécurité exigées pour les nouveaux réacteurs comme l’EPR.
Aussi l’étude fait-elle état d’un scénario vert « à coût maîtrisé », dans la mesure où le coût de l’électricité issue d’un mix 100 % énergies renouvelables serait du même ordre de grandeur que celle d’un mix 40 % énergies renouvelables.
Qu’en pensent les professionnels ?
Il s’agit d’un travail vraiment fouillé qui a le mérite d’ouvrir le débat sur la faisabilité d’un tel scénario, estime Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables. Les renouvelables sont en phase d’accélération et s’approcher d’un objectif 100 % renouvelables en 2050 n’est pas irréaliste, même s’il est trop tôt pour dire si c’est 75 %, 80 % ou plus.
L’Union française de l’électricité, que l’on imaginerait vent debout contre cette remise en cause du modèle nucléaire français, juge elle aussi, par la voix de son délégué général, Jean-François Raux, que :
l’étude n’est pas mal faite. Mais, dans une perspective de croissance économique, il est essentiel d’avoir un mix énergétique diversifié, ni 100 % nucléaire, ni 100 % renouvelable.
Reste qu’il est peu probable que cette très dérangeante étude qui, aux yeux d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), finit de saper « le mythe d’une énergie [nucléaire] peu onéreuse », soit de nature à infléchir la position du gouvernement et de la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, hostiles à toute stratégie qui conduirait à l’abandon complet de l’atome.
Il apparaît clairement que le nucléaire ne se justifie plus, en terme de coût, dans l’optique d’une production électrique d’avenir. D’autant que pour les calculs on rechigne encore à intégrer les coûts faramineux du démantèlement des centrales nucléaires vieillissantes. Dès lors, son maintien au sein du système de production de l’électricité française tient plus du choix stratégique que de celui de la raison. Alors, si le consommateur n’a rien à y gagner, ce sera à l’électeur d’apprécier… ou pas.
Source : lemonde.fr