Dexia : le hors d'oeuvre
dans rue 89
Le scénario de cette « Grande perdition » est décidément d'une transparence lumineuse. Sauf pour ceux qui ont les yeux un brin m… chargés. Ce qu'un enfant anticipe, ils l'aperçoivent trop tard. Les voilà qui démantèlent en catastrophe la banque Dexia, laquelle avait pourtant parfaitement réussi les stress tests de juillet dernier [rires].
Démanteler, ça veut dire quoi ? Très simple : on balance les actifs pourris de la naufragée dans une poubelle de circonstance (« bad bank ») et on essaie de sauver ceux qui ne sont pas encore trop amochés. Comme si on effaçait la colonne de débit à rallonge de votre compte perso pour ne garder que les quelques pauvres lignes créditrices. Miraculeux, isn't it ?
Plus facile à dire qu'à faire, bien sûr. Surtout pour ceux qui ne sont même pas foutus de maintenir à flot un « petit » pays (c'est eux qui le disent) comme la Grèce, alors que des mastodontes comme l'Espagne ou l'Italie sont déjà en train de leur débouler sur le râble.
La banque Dexia est la Grèce du système financier
Car le démantèlement de la banque Dexia est au système bancaire ce que la faillite de la Grèce est à l'Union européenne. Un petit hors-d'œuvre annonciateur d'une dégustation autrement bourrative et indigeste (certaines de nos collectivités locales, dont Dexia fut l'ange financier vénéneux, doivent déjà ressentir quelques méchantes aigreurs d'estomac).
Laissons parler l'enfant en nous et attendons avec la jubilation cruelle des mioches le gros gadin d'une Société générale, d'une BNP ou d'un Crédit agricole. A moins qu'il s'agisse d'une banque allemande ou portugaise, peu importe. De toute façon, c'est plié, les autres suivront la première.
Regardez-les, il y a quelque temps, ils vous juraient leurs grands dieux que leurs banques étaient en parfaite santé, que tout ça n'était que méchantes rumeurs, qu'ils allaient porter plainte ceci, qu'ils allaient démontrer cela. Aujourd'hui, Mme Merkel en tête, les voilà qui clament l'urgence de les recapitaliser dare-dare. Pathétique.
Oreilles bouchées, yeux fermés, assis sur la bombe…
Aujourd'hui, pour sauver Dexia, recapitaliser les banques en manque grave de liquidités, relancer les machines étatiques percluses de dettes, que reste-t-il à nos autorités politiques pétrifiées, causant et promettant, sans jamais prendre une décision, entraînant sans transition les « marchés » de la panique dépressive à une euphorie névrotique ?
Rien, essayer d'emprunter l'argent qui leur manque pour alimenter les Dexia and co en souffrance. Et les emprunter à qui ? Aux banques, à ces Dexia and co ! Qui après leur enverront d'implacables troïkas (FMI, UE, BCE) pour qu'ils remboursent ces nouvelles dettes dont ils se seront ainsi grevés. Logique absurde, engrenage infernal à la portée de compréhension d'un gamin.
Mais ils ne sont plus des enfants, juste les vieillards en perdition d'un système en pleine sénescence. Devant l'explosion qu'ils pressentent, leur réflexe est de se boucher les oreilles, de fermer les yeux, de continuer à faire les farauds. Tant pis s'ils sont assis, et nous avec, sur la bombe dont Dexia est une nouvelle mèche.