couleuvre à neutrons
Couleuvres à neutrons LE MONDE | 30.06.2012 à 16h53 • Mis à jour le 30.06.2012 à 16h53 Par Hervé Kempf Le 19 juin 1997, le premier ministre, Lionel Jospin, annonçait la fermeture du
surgénérateur Superphénix.
Le 26 juin 2012, aucun ministre du gouvernement socialo-écologiste n'a annoncé la signature d'un contrat pour construireun surgénérateur à Marcoule.
Il est donc revenu au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et à Bouygues
Construction d'informer de leur accord pour concevoir le prototype Astrid, réacteur à
neutrons rapides refroidi au sodium. Le rejeton de Superphénix aura une puissance
de 600 mégawatts, ce qui est une échelle industrielle. Il s'agit, écrit le CEA,
du "développement d'une filière de réacteur à neutrons rapides". Par une délicate
attention, les études sont censées s'achever en 2017, terme du mandat présidentiel
de M. Hollande, avant une "mise en service à l'horizon 2020". On se souvient peut-être qu'en novembre 2011, le Parti socialiste et Europe Ecologie-
Les Verts (EELV) ont signé un "accord national de majorité". Le texte comprenait la
phrase : "Aucun nouveau projet de réacteur ne sera initié." En bon français, cela
voudrait dire que rien ne sera enseigné à ces projets mais, enfin, la langue a évolué,
et maintenant "initier" signifie, indique le dictionnaire Larousse, "Mettre en route,
prendre l'initiative d'un processus". La "conception du prototype" était prévue dans
une loi de 2006 et dans une convention entre l'Etat et le CEA signée en 2010.
On peut donc juger que l'accord de collaboration s'inscrit dans le déroulement d'un
processus déjà "initié". Mais cet accord de collaboration n'est-il pas une
"mise en route" ? Auquel cas, il s'agit bien "d'initier" un projet de réacteur. Au demeurant, la matière doit être appréciée au regard de l'esprit du texte signé par
le PS et EELV. Le lancement d'Astrid ne pouvait-il pas attendre ? La nouvelle ministre
chargée de l'énergie, Delphine Batho, nommée le 21 juin, a-t-elle été informée par le
CEA, avant sa signature le 26 juin, de cet accord aux conséquences évidemment
politiques ? EELV juge-t-il qu'il ne s'agit pas là de "l'initiation d'un projet de réacteur" ? Le député (EELV) Denis Baupin découvre l'affaire. Il réagit : "Il est surprenant de lancer
un tel chantier avant qu'ait eu lieu le grand débat annoncé sur la transition énergétique.
C'est comme si l'on en anticipait les résultats." Les biologistes s'interrogent : combien de couleuvres un organisme peut-il avaler avant
de se sentir vraiment mal ? kempf@lemonde.fr Hervé Kempf